L’économie sociale et solidaire (ESS) : une montée en puissance dans l’économie nationale portée par des initiatives et des politiques de soutien locales

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Avec 165 000 entreprises et 2,4 millions de salariés, l’ESS occupe une place importante et croissante dans l’économie française. Comment s’effectue cette montée en puissance ? Dans quels secteurs ?  Quelles sont ses perspectives ? C’est ce que, Lucie Barra, consultante chez CMI, décrypte dans cet article, au travers de 4 exemples : les circuits courts alimentaires, l’aide aux personnes âgées, l’éco-construction, et la valorisation des déchets.

Un positionnement et des perspectives de développement prometteurs pour l’ESS dans les circuits courts alimentaires, l’éco-construction / éco-rénovation et la valorisation des déchets

Avec à ce jour environ 165 000 entreprises, l’ESS emploie près de 2,4 millions de salariés en France, dans des secteurs diversifiés : 63% des emplois de l’action sociale, 56% des emplois du sport et des loisirs, 30% des activités financières et d’assurance, 29% de la culture, 19% de l’enseignement. L’emploi privé dans l’ESS a enregistré une progression de 24% depuis 2000 et s’établit désormais à 13% de l’emploi privé total. Loin d’être confidentiel, ce segment occupe une place importante dans l’économie française et a su s’imposer, grâce à ses principes, comme une alternative durable et vertueuse aux entreprises et modèles conventionnels : promotion de l’emploi local et du lien social, gouvernance démocratique, investissement solidaire, forte capacité d’innovation…

Cette montée en puissance de l’ESS à l’échelle nationale trouve son origine à l’échelle locale. En s’inscrivant dans la proximité, l’ESS se nourrit d’initiatives locales et contribue au développement des territoires. Elle constitue de ce fait un levier majeur pour les politiques publiques, plus particulièrement pour celles des métropoles, qui sont des interlocuteurs privilégiés pour soutenir et faire émerger des projets ESS.

Pour mieux évaluer le potentiel de développement de l’ESS, la Délégation interministérielle à l’économie sociale et solidaire (DIESS), la Direction générale des entreprises (DGE) et la Caisse des dépôts ont confié au groupement CMI – Auxilia – Le Comptoir de l’Innovation la réalisation, en 2007, d’une étude stratégique sur 4 filières à fort enjeu pour l’ESS : les circuits courts alimentaires, l’aide aux personnes âgées, l’éco-construction / éco-rénovation, et la valorisation des déchets / réemploi. L’étude a permis de mettre en évidence la diversité des dynamiques à l’œuvre selon les secteurs et les enjeux de futur développement.

Circuits courts alimentaires : Une demande croissante favorable à l’ESS, qui peut encore saisir des opportunités dans des segments peu investis comme la restauration collective

Les acteurs de l’ESS disposent d’une présence historique dans la filière des circuits courts alimentaires, en particulier sur le segment de la production (au travers des coopératives agricoles et agroalimentaires). Depuis quelques années, leur présence croît également dans le segment de la grande distribution (citons par exemple E. Leclerc et Système U qui accordent une place de plus en plus importante aux circuits courts dans leurs rayons), ainsi que dans les magasins spécialisés de plus petite taille comme Biocoop.

En parallèle, on constate une progression importante de l’intermédiation numérique entre producteurs locaux et consommateurs (La Ruche qui dit Oui ! met en lien 5 000 producteurs avec plus de 110 000 consommateurs via une plateforme numérique), sans pour autant que cela constitue une menace pour le magasin de proximité, lieu privilégié pour la vente des produits issus de circuits courts.

Néanmoins, le poids du chiffre d’affaires des acteurs de l’ESS dans le secteur recule, au profit des acteurs conventionnels qui investissent de plus en plus ce segment.

Aide aux personnes âgées : Plusieurs atouts mais un positionnement fragile, fortement dépendant de l’appui des pouvoirs publics

Les acteurs associatifs sont historiquement très présents dans les services d’aide à domicile (SAAD) : en 2014, près de 60% des heures rémunérées dans les SAAD concernaient des structures associatives. Dans le segment de l’hébergement, près d’un tiers des EHPAD étaient gérés par des acteurs de l’ESS en 2014. La croissance des acteurs de l’ESS est portée essentiellement par les groupes associatifs, comme l’ADMR et l’Adessadomicile, dans un secteur où la concentration s’est accélérée au cours des dernières années.

Dans le champ de l’habitat, de la mobilité, des loisirs et du tourisme, la présence historique des acteurs de l’ESS leur a permis d’être pionniers dans le renouvellement des offres de service pour répondre à l’évolution des besoins des personnes âgées.

Cependant, les parts de marché des acteurs de l’ESS diminuent de manière significative, en particulier dans le segment des SAAD, du fait d’une compétitivité prix et hors-prix insuffisantes par rapport au secteur privé.

Eco-construction et éco-rénovation : Une présence encore faible mais prometteuse, portée par un contexte réglementaire favorable

L’ESS est encore faiblement présente dans le secteur (elles représentent moins de 2% du chiffre d’affaires total), mais certains acteurs (plus particulièrement les sociétés coopératives et participatives, structures d’insertion par l’activité économique, coopératives d’activité et d’emploi) affichent un plus grand dynamisme que les acteurs de l’économie marchande. La reprise de l’activité dans le secteur a d’abord profité à ces structures qui ont eu tendance à mutualiser certaines fonctions pendant la crise pour réduire leurs coûts et ainsi mieux résister à la baisse durable de la demande. UTB, Boyer-Leroux ou encore Macoretz constituent quelques grands noms du secteur.

L’ESS se distingue par un parti pris souvent fort pour l’utilisation d’éco-matériaux dans les opérations de construction et de rénovation énergétique, avec notamment un beau succès de la gamme d’isolants à base de textiles collectés et recyclés MétisseR lancée en 2007 par Le Relais.

Valorisation des déchets et réemploi : Un acteur emblématique du secteur, capable de consolider son assise

L’ESS est très fortement présente dans le secteur, avec deux caractéristiques majeures. Les entreprises de l’ESS (environ 80% d’entre elles) sont davantage positionnées en amont de la filière, dans les activités liées au réemploi et plus globalement à la prévention. Par ailleurs, les entreprises d’insertion par l’activité économique sont très largement représentées, les activités de collecte et de tri étant fortement utilisatrices de main d’œuvre, notamment peu ou pas qualifiée.

Les grands groupes comme Le Relais, Elise et Vitamine T disposent d’une grande visibilité.

Dans cette filière, les acteurs de l’ESS ont tendance à adopter un modèle économique fondé sur des boucles courtes et de la prestation à façon, loin du modèle conventionnel fondé sur la massification et les économies d’échelle.

Les collectivités territoriales, acteurs centraux du soutien aux écosystèmes d’innovation sociale à l’échelle locale

Afin de soutenir la création de valeur économique et sociale au sein de leurs territoires, les collectivités locales – plus particulièrement les villes et les métropoles – sont de plus en plus soucieuses d’intégrer l’ESS dans leurs politiques de soutien à l’économie locale. Le réseau de grandes villes européennes, Eurocities a réalisé en décembre 2017 une étude pour analyser le rôle des villes dans la promotion de l’entrepreneuriat social. Les initiatives de Nantes et de Rennes en faveur de la création et de la consolidation d’écosystèmes propices à l’impact social dans leurs territoires ont été particulièrement soulignées.

 

Dans la Métropole de Nantes, à l’issue de 15 années d’une action ciblée de soutien à l’entrepreneuriat social, l’ESS représente 16% de l’emploi privé total. Les Ecossolies, pôle de soutien à l’innovation sociale, constituent l’un des instruments phares de cette politique : une offre de services complète dédiée aux porteurs de projets, constituée d’une plateforme d’innovation sociale (mise en relation entre porteurs de projets, collectivités et habitants pour identifier des besoins sociaux non satisfaits et faire émerger des réponses concrètes), un incubateur de projets individuels et collectifs (appui à la maturation, à l’expérimentation et au lancement de projets) et une pépinière d’entreprises. Elle s’appuie également sur le Solilab, lieu multi-activités de 9000 m² offrant une palette d’outils au service de la promotion, de la coopération et du développement de projets (location de bureaux, d’espaces événementiels et de stockage…).

 

La Métropole Rennes a initié sa politique de soutien à l’entrepreneuriat social en 2006 par l’inclusion d’une clause sociale dans ses marchés publics. Initialement mise en œuvre pour les opérations de renouvellement urbain, cette clause a été étendue en 2012 à d’autres typologies de marchés (services, prestations intellectuelles) et adoptée par d’autres partenaires (Région, Département, Universités…) s’engageant à inclure cette clause dans la plupart de leurs marchés. La collectivité est allée plus loin en instaurant un Schéma de promotion des achats publics socialement responsables pour faciliter l’accès des structures de l’ESS aux marchés publics, et en créant le guichet unique des clauses sociales, « Atout Clauses », qui accompagne les acteurs publics et privés dans la mise en œuvre et le respect de leurs obligations sociales.

 

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